C'est en Novembre 2005 que je me suis envolé pour Dubaï, pour courrir le dernier rallye du championnat du monde de l'année. La décision et l'engagement se sont faits très vite (qui a dit comme d'habitude ?!), puisque ce n'est que vers la mi-Octobre que David CASTEU et le Team ANABAS m'ont contacté pour me demander de jouer les interprètes pour le pilote officiel GAULOISES. C'est donc avec un super enthousiasme que je me suis rendu au pays des Rois du Pétrole !
Et arrivé sur place, le choc ! C'est comme dans les films ! Tout en GRAND ! A peine arrivé à l'aéroport, c'est tout le Team ANABAS qui est là pour m'accueillir, et nous partons immédiatement récupérer les motos aux douanes. Le temps de monter les bêtes de course et après quelques essais, nous avons un programme chargé de deux jours, puisque David est sollicité de toutes parts pour participer aux conférences de presse. Et c'est déjà l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes très intéressantes, si différentes de notre culture occidentale.
Les vérifications techniques et administratives se font dans le hall d'un centre commercial gigantesque, comme ils le sont tous là-bas d'ailleurs. Dubaï est historiquement un carrefour d'échanges commerciaux, et on peut dire qu'ils n'ont pas perdu le sens du commerce au fil de l'histoire ! Tout est fait pour consommer.
Mais le plus important est que nous soyons sous un air climatisé, car la chaleur commence à inquieter bon nombre d'Européens qui viennent du froid à cette saison. Nous avons aussi une mise au point médicale personnalisée au sujet de la déshydratation; je commence à craindre les températures démesurées dans les dunes à venir !! Le médecin m'informe que les travailleurs sur les chantiers, en plein soleil, boivent jusqu'à 25 litres d'eau par jour !
Le prologue se déroule sur un terrain vague, en pleine ville, en présence d'une foule incroyable, et au milieu de buildings en construction !
Ensuite, dès la première étape, nous partons sur le territoire d'Abou Dhabi pour rejoindre tout de suite le terrain de jeu de la semaine : des dunes de sable. En effet, ne vous attendez pas à beaucoup de variation de terrains sur "Le Dubaï", ce n'est qu'une succession de dunes de sable toute la journée ! Mieux vaut être au point en préparation, car les dunes épuisent aussi bien le pilote que la mécanique. Dès le début de la semaine, je suis confronté à des problèmes d'essence; En effet, ma KTM 450 qui consomme habituellement 5 à 6 litres au 100, grimpe direct à 11 litres dans ce sable mou perpétuel, puisque les étapes ne sont qu'une succession de dunes impressionnantes, certaines jusqu'à 210 mètres de haut ! (on les appelle les dunes "cathédrales").
Ce relief est très exigeant, aussi bien au niveau mécanique que physique, mais je tiens le coup ! Je prends quand même pas mal de retard, après quelques séances de "stop-essence" ! Heureusement, les bivouacs sont confortables, et on peut dire que les Emiratis ont le sens de l'hospitalité : douches avec eau chaude le soir (du jamais vu !), nourriture soignée à toute heure, et surprise, piscine ! Eh oui, ils ont osé : fabriquer une piscine en plein milieu du désert !!
Le
quatrième jour, alors que je me suis légèrement égaré, je tente une
"coupe" pour retrouver la bonne piste (au lieu de revenir sur mes
traces comme il faut faire), et après deux dunes franchies, je ne
"lis" pas une zone de sable très mou (les ondes de chaleur sont très
déroutantes), et me retrouve coincé sur une petite zone d'environ 20m² au fond
d'autres dunes, dans l'impossibilité de prendre suffisamment d'élan sans
s'ensabler. Je n'ai pourtant qu'une hauteur de 10 mètres à franchir pour
atteindre du sable porteur, mais ces 10 mètres sont très très mous, d'autant
plus qu'il fait très chaud. Après une bonne demi-heure d'essais vains, les
efforts sous 45° sont vite anéantis par la fatigue; Je suis vidé, trempé comme
une soupe, de sueur, et je me retrouve seul, impuissant au milieu du désert, et
j'entends au loin les moteurs des véhicules qui passent sur le bon cap. Au bout
d’une heure, j’entends arriver un hélicoptère, je me dis « ben voilà,
c’est la fin de l’histoire, ils ont vu par la borne iritrack que je suis
immobilisé depuis près de 2 heures dans ce champs de dunes, ils viennent me
chercher, et ils hélitreuilleront la moto ». Je vois un mec sur la porte
latérale ouverte, qui me montre un grand panneau vert marqué « OK ?».
Je l’interprète comme une première demande d’état de santé avant de venir me
sortir de là. Je lui fais donc le signe normal « OK » avec le pouce
pour lui signifier que tout va bien médicalement, pas besoin de médecin
quoi ! Et là… stupeur ! L’hélico continue son chemin normalement, et
je le vois s’éloigner… J’y crois pas ! Il me laisse là ? Mais ça va
pas non ? A ce moment-là, je me dis "je ne sais pas comment je vais
m'en sortir, mais c'est sûr, ça restera un moment fort de ma vie"! Et
c'est dans ces moments-là que l'angoisse décuple le désir de vaincre. Après pas
mal de tergiversations, je ne vois qu'une solution : démonter la moto. Je
démonte la selle, le réservoir, le sabot moteur, la roue avant, la roue
arrière, la fourche, et je monte toutes ces pièces sur le sommet de la dune;
Ensuite, je m'attaque au gros morceau : petit à petit, je bascule l'ensemble
cadre-moteur du bas en haut, du bas en haut, 5 fois, 10 fois, 20 fois, 50 fois
peut-être, jusqu'à son tour l'amener en haut de cette petite dune. Ne reste plus
qu'à tout ré-assembler, et la moto "craque" au premier coup !
Victoire ! Bon, je vous l’ai faite « très courte » et j’ai passé les
détails, mais ça m’a pris énormément de temps, mais on est encore dans la
pleine lumière du jour. Je regagne au ralenti la bonne piste, et
"enroule" tranquillement, pour reprendre progressivement des forces.
Au CP suivant, les commissaires qui, vu le retard, s'inquiètent de savoir
pourquoi, et de mon état de santé, veulent m'arrêter. Coup de chance, je fais
mine de ne pas les comprendre, et leur dis en Espagnol que mes instruments de
bord sont tombés en panne etc etc, et je repars, à l'arrache, mais avec mon
carton pointé !! A l'approche des CP suivants, je fais bien attention d'arriver
en trombe, style "super forme", en leur criant que tout va bien... Le
soir, à la nuit tombée, je retrouve le bivouac, mort de chez mort. Mais mes
copains, qui n’ont jamais vu une telle histoire de fous me soutiennent, et me
donnent un bon coup de main pour ma mécanique ce soir-là. Sympa.
Le reste de la semaine, je m'attache à tenir le coup et à récupérer de cette journée hors du commun. Je reste concentré au maximum, afin de m'économiser dans mon pilotage et tenir le coup physiquement. Je sais que je suis largué au classement, donc pas de risques inutiles pour rattraper 15 ou 30 minutes. Finalement, les deux jours restants se passent sans embrouilles, et je prends beaucoup de plaisir en navigation.
Je termine quand même 33ème au scratch, et finalement 5ème au championnat du monde 2005 - 450cc, et premier Français. Je suis hyper content de cette nouvelle expérience, et surtout satisfait d'être allé au bout après toutes ces péripéties. Je suis aussi enthousiaste d'avoir rencontré des personnes attachantes dans un pays vraiment étonnant. D'ailleurs, j'ai parlé avec l'Emir du tourisme qui connaît désormais où se trouve La Réunion; Et peut-être en a-t-il parlé à Mickaël JACKSON qui était invité à la remise des prix !... "Tout est possible", voilà je crois une bonne définition des Emirats Arabes Unis.
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