ISDE 2006 - Jours 1 à 6
Écrit par Stéphane Hamard   
14-11-2006

Aujourd'hui, c'est le grand départ ! Le premier pilote, c'est-à-dire Marc GERMAIN, puisqu'il porte le numéro 1, prend le départ à 7 heures; Chaf, avec le numéro 353, est à 9h05, et moi-même, avec le 558 à 10h04, en même temps que Jean-Charles et son 557; Puisque nous partons 3 par 3 toutes les minutes.departchaf

 

L'heure de départ veut donc dire que nous pouvons rentrer dans le parc fermé 15mn auparavant; nous avons 5mn pour amener la moto dans le parc de travail, pour y faire éventuellement de la mécanique (toujours sans aide de personne évidemment) pendant 10mn avant le départ effectif. Attention à toujours bien pointer à l'heure, sinon, les pénalités pleuvent !

Ce matin, la météo est plutôt clémente, malgré un temps très frais, et quelques rayons de soleil vont faire notre bonheur...

La boucle de ce Mardi prévoit un temps total de roulage de 7 heures 25. La mise en jambes est immédiate ! Juste après le premier CH, c'est la spéciale n°1, une banderolée dans une magnifique prairie au relief irrégulier. Et là, première constatation : avec le numéro 558, "les traces sont déjà faites" ! Et même largement creusées !!! 

La prise de contact avec le chrono se passe bien, puisque je suis 191 en Enduro 2 (250cc 2T et 450cc 4T). Ne pas prendre de risques inutiles, la course sera encore longue. Alors que je pense aux premiers qui en sont déjà à mi-parcours. Et nous avons quelques bonnes nouvelles de l'assistance, car le Team France est annoncé en tête. Ensuite, sur les chemins de liaison, j'adopte un rythme plutôt cool mais sérieux. Les ornières sont nombreuses, et dans les gros numéros comme le mien, ça risque de vite solliciter le physique. D'autant plus que mes suspensions ne sont pas au top, j'essaierai d'affiner les réglages avant le prochain CH. Les chemins de liaison laissent petit à petit la place au vrai hors piste, dans des fléchages à travers la forêt assez dense; Magnifique, on zigzague au milieu des arbres, dans de la terre super meuble, alternant des montées et des descentes déjà impressionnantes.

Je commence à me faire doubler rapidement; Je constate que déjà pas mal de pilotes roulent de façon appuyée dans les liaisons. Ben ouais, on est aux Six Jours, faudrait peut-être pas se traîner. Et en effet, au CH suivant, je constate que le temps est assez serré, alors que je n'ai pas constaté de difficultés majeures; D'autant plus que cette première journée a été annoncée avec des temps impartis assez cools, il va falloir rester très vigilant ! Je fait vite le ravitaillement et pointe immédiatement, c'est passé juste.

Première spéciale en ligne, et première surprise, elle est super longue ! Environ 15 minutes à me battre dans les whoops permanents qu'ont fini par creuser les nombreux passages avant moi. Je continue à garder le bon rythme dans la liaison suivante, et commence à me fâcher avec ma fourche que je compare à un bout de bois... Jusqu'à me "mettre" dans un bourbier bien piégeux avec plein d'ornières noyées dans une fange sans nom ! La séance de musculation continue ! Et bientôt 5 heures que je roule, il faut penser à bien s'alimenter, et boire beaucoup au prochain ravitaillement. Les séances de "poussage" et "tirage" commencent à se faire sentir, je double quelques concurrents "arrêtés" sur le bord, souvent à bout de souffle. Pour ma part, ça va encore, mais je sens bien que je commence à puiser dans mes réserves; Surtout bien se relâcher pour ne pas se mettre "dans le rouge", mais la sollicitation physique est quand même intense !

Arrive enfin le CH suivant, et j'en profite pour bien me relaxer, boire énormément, graisser ma chaîne et "essayer des trucs" sur ma fourche. Je me relaxe tant que j'en oublie mon heure, et sanction immédiate, je pointe 2 minutes en retard. Trop bête, je prends déjà 2 minutes de pénalités, comme ça, pour une erreur d'inattention. Je m'en veux énormément, mais bon, c'est pas trop grave. La semaine sera longue, je ne me cesse de me le répéter !  Je pars donc pour la 2ème ligne de la journée, toute en sous-bois, toujours très longue, et je chute à mi-parcours, sans caler, mais piégé par un groupe de racines sorti par les nombreux passages. Il faut dire que ces racines ne pardonnent rien; il suffit de les attaquer avec quelques degrés de travers pour qu'elles vous envoient au tapis.

Sur la liaison suivante, je souffre beaucoup. Voilà bientôt 7 heures qu'on roule, et on nous fait descendre de véritables montagnes forestières, avec une énorme ornière mono-trajectoire, les deux genoux au niveau du guidon, et avec des troncs en désordre, à franchir "comme on peut" !! La fatigue est palpable ! La journée n'est pas finie et il faut s'accrocher.

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La dernière spéciale de la journée est une super banderolée, toute proche du parc fermé, qui traverse plusieurs prairies, avec de multiples trajectoires, des sauts naturels énormes, mais des atterissages pas toujours naturels !!!

 

 

Enfin je suis en avance pour le pointage pré-finish, j'en profite pour faire le point sur la moto, pre-parc avant de rentrer au parc de travail : 15 minutes allouées pour faire la mécanique de sa moto, seul, mais avec tous les conseils et outils que peuvent vous donner les assistants présents. Ensuite, pointage au parc fermé où les motos sont parquées jusqu'à demain matin.

Ouf, encore 5 jours comme ça ? 

 

 

JOUR 2

  Le matin du 2ème jour, départ à 10h05, tout va bien. Au parc de travail du matin, je m'attache encore une fois à vouloir règler mes suspensions... Puis je jauge les pneus, je pense que notre calcul sera bon : on va changer le pneu arrière après 3 jours; Quant au pneu avant, il fera bien les 6 jours ! Alors que Jean-Charles change son pneu arrière tous les soirs, et son pneu avant tous les matins ! Genre de réveil des muscles efficace !

Le Jour 2, le parcours est donné pour être une heure plus long ! Heureusement, les phares sont obligatoires sur les motos d’enduro, je suis moins stressé !!

Le matin, le temps est très couvert, et il tombe quelques gouttes de pluie, mais rien de grave ; Le plus embêtant pour moi, c’est la température qui a encore chutée. La journée est ponctuée de 4 épreuves spéciales, et les liaisons sont déjà un peu plus marquées car on reprend quelques portions de la veille, et après plus de 1100 passages, vous comprendrez aisément que ce n’est plus un boulevard ! La moto me secoue dans les bras, et je comprends que ça ne va pas être une partie de plaisir. Au CP 3, l’assistance m’apprend que Chaf s’est fracturé un doigt. Impossible, j’imagine la douleur inouïe qu’il doit supporter dans ce terrain truffé de pièges, et où il faut trop souvent relever la moto partie en sucette – Accroches-toi Chaf. Déjà pour ma part, obligé d’enlever les lunettes avec cette pluie fine, je me prends des coups dans les joues et les yeux, par les branches inévitables. Heureusement, la pluie cesse peu à peu et j’imagine ce que ç’aurait pu être si ce parcours était détrempé. Car déjà, j’apprends le « surf des ornières » : lorsqu’une ornière est si creusée que la roue arrière ne touche plus le sol, il reste une possibilité avant de porter la moto ; Gaz en grand, il suffit de passer la longueur où la roue ne touche plus sur l’élan, en surfant sur le sabot moteur qui glisse sur les bords de l’ornière, jusqu’à espérer rattraper l’adhérence où la roue arrière reprend contact avec le sol. Ca peut paraître bizarre expliqué ici, mais c’est en fait super fun, et on se fait des peurs intéressantes ! Sauf évidemment que ça ne marche pas à tous les coups, et lorsque je reste bloqué, il faut sortir les 120 kgs de la machine à la force des bras ; et croyez-moi, plus la journée avance, plus la moto est lourde, ou alors ce sont les muscles qui ne répondent plus ! C’est dans ces moments que le mental est important. Car il ne faut pas perdre de vue le chrono qui tourne. Et justement, après la spéciale 2, alors que le soleil revient timidement, la terre est super collante et alourdi les motos, et c’est dans ces conditions que je me retrouve bloqué dans une vallée, dans un bourbier insondable. Même à pied, on ne s’en sort pas, et il faudra qu’à 3 pilotes, on s’entraide pour porter nos motos respectives pour s’en sortir, et malheureusement y perdre de précieuses minutes. Résultat, je prends 40 minutes de pénalités au CH 4, mais l’essentiel est préservé, je suis certes bien fatigué mais toujours dans le coup au niveau pilotage. Mais ces passages « minés » sont aléatoires, et il faut toujours se battre pour s’extirper de ces pièges car un retard de plus de 60 minutes dans la journée implique la mise hors course ! Surtout ne jamais relâcher la pression, car il est interdit d’en avoir autant bavé pour se faire sortir comme ça. Fin de journée et pointage au CH 9 ( !), j’apprends que j’ai pris 51 minutes de retard dans la journée ! Ouf, c’est pas passé loin. Je suis 233 au classement, juste une place de perdue sur hier, il y a eu déjà beaucoup d’abandons. Et « plus que quatre jours ! » me lance le commissaire du parc fermé !

 

JOUR 3

  Le jour 3, on reprend les mêmes et on recommence !
Et oui, en fait, les jours 2 – 3 et 4 – 5 sont prévus sur le même parcours.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il pleut vraiment, et avec les méchantes ornières déjà creusées, je me fais beaucoup de soucis. Et à rouler, j’avais raison de m’inquiéter. Toute la journée, c’est la roue arrière qui veut passer devant !! La moto est en glisse partout, quand ce n’est pas de l’escalade en tirant la moto comme on peut ! La journée est forcément un peu plus dure que la veille, tant les itinéraires sont défoncés. Aujourd’hui, je n’ai pas de blocage monstrueux, sauf un passage très délicat sur un pont qui s’est écroulé avec le passage de toutes les motos. De ce fait, la section est annulée, ce qui me permet de ne pas prendre les 15 minutes de pénalités passées à porter la moto avec des sangles, pour passer la rivière.

Bref, content d’en finir ce jour, et de se dire qu’on est à la moitié !

Au parc de travail, j’avais plannifié de changer mon pneu arrière et de faire la vidange. Déjà fatigué, cette séance de mécanique chronométrée m’a vraiment usé ! Et je remonte 222 au classement, sans doute du fait d’encore quelques abandons.

 

JOUR 4

Ce matin, grande surprise : Jean-Charles, de loin le meilleur du « Tracer Club », puisque remplaçant de l’équipe de France, n’est pas admis à repartir ! Hier, alors qu’ils ont « coupé » une petite portion de forêt impraticable, un CP avait été déplacé, et Jean-Charles est passé trop vite, trop tôt, sans attendre sa nouvelle mise en place, ce qui fait qu’il n’avait pas le pointage sur son carton. Sanction immédiate et irrévocable, c’est l’exclusion. Trop dur, il en a les larmes aux yeux ce matin. De plus, Chaf qui malgré sa fracture était reparti hier matin, n’a pas pu continuer malgré son acharnement. Dur pour tout le monde. Et je me retrouve seul du club, et donc encore plus déterminé à aller toujours plus loin !

Et c’est parti pour une journée sous la pluie. Avec les prévisions météo, pas la peine de se poser de question, ce sera pluie toute la journée. Voilà environ 1 km que nous sommes sur les chemins, et déjà premier bouchon sur la première montée ! L’enfer commence. Les lunettes sont déjà inutilisables, et je décide de suivre un Italien qui tente une coupe sur le côté droit pour passer cette première difficulté. Ca monte au prix de nombreuses chutes, mais le problème, c’est qu’on ne peut plus retrouver la piste ! Ca jardine sévère jusqu’à apercevoir des pilotes qui nous ramènent sur les bonnes traces. Le reste de la journée ne sera qu’une lutte pour rester sur ses roues ; je suis usé physiquement, et on ne voit jamais notre progression au fil de la journée. Tout au long du parcours, c’est sur la défensive, il faut tenter de ne pas se mettre à terre, en vain bien sûr ! Je ne saurais vous donner le nombre des chutes de la journée ! 35 peut-être. Et je prends beaucoup de coups, des racines et branches dans les chevilles, des branches qui me font des bleus sur les cuisses et les bras. Et les arbres qui, toute la journée, semblent vous dire : « viens mon petit, viens m’embrasser ». J’en prends d’ailleurs plusieurs dans la journée, sans gravité.

Soir 4, je rentre au parc... usé.

 

JOUR 5

Avant dernier jour, il faut tenir !

Et ça continue par la pluie, encore plus intense, avec des rafales de vent.

La spéciale 1 que l’on fait tous les jours depuis le début, ne ressemble plus à rien ! Il faut juste progresser sans tomber, c’est désormais ma stratégie…

Le parcours est le même que celui de la veille, et au fil de la journée, ça devient inquiétant, nous passons dans des « champs de guerre ». La pluie est cinglante sur le visage, et j’ai très froid, malgré les efforts pour avancer toujours.

Une heure après le CP 2, j’arrive bientôt dans une clairière où sont rassemblés près de 100 pilotes (les numéros 400 sont là) : ça ne passe plus du tout, la pluie a fait de véritables ruisseaux dans toutes les ornières déjà creusées la veille. Même avec les sangles, on ne progresse plus. Au CP 3, plus aucun pilote n’est passé depuis 1 heure. La direction de course n’a d’autre choix que de neutraliser la course. Toujours sous une pluie battante et glaciale, nous rejoignons une piste qui nous mène à la route, et direction le parc de travail.

Après 70 kms, les doigts sont gelés, et il faut vraiment se motiver pour attaquer la mécanique.

Mais bon, il est encore tôt, et demain, dernier jour et traditionnellement beaucoup plus cool. On tient le bon bout !

 

JOUR 6

  Dimanche 19 Novembre, la pluie a cessé, et le soleil arrive timidement. Aujourd'hui, c'est une courte liaison, suivie du traditionnel motocross final.

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Toutes les motos sont peu à peu regroupées sur un parc géant, en pré-grille. Je découvre le terrain de « grand-prix », où sont d’ailleurs venus rouler 15 jours auparavant Townley, Everts, Coppins, Rattray etc… On est dans le fief de Ben TOWNLEY (il a commencé là). Le circuit est formidable, des grands sauts hyper sécurisés et pas dangereux, une grande variété de trajectoires, et surtout une organisation vraiment irréprochable, avec des commissaires identifiés partout sur la piste. Dans ces conditions, on se prendrait vite pour un pilote champion du monde ! Les manches font 5 tours, regroupés à 35 pilotes, avec un tour de reconnaissance.

 

Au baissé de grille, je suis pas mal, et arrive au premier virage dans les 8.

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Malheureusement, dans le deuxième freinage, dans une courbe rapide en dévers, mon pneu avant de 6 jours n’a plus beaucoup de grip, et je me fais surprendre… au tapis. Le temps de repartir quasiment dernier, je remonte un à un pas mal de concurrents, pour la plupart pas trop habitués au cross. Les sauts sont vraiment enivrants, terribles, et les résolutions de rouler « en-dedans » pour le dernier jour, envolées !! Je m’amuse beaucoup sur ce tracé et la fin de la manche arrive trop vite. Voilà, les 6 six jours sont terminés.

 

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  Je reçois les félicitations de Shayne KING (le monde à l’envers !), avec qui on partageait la même équipe d’assistance.

  L’émotion me gagne, pas la peine de beaucoup parler, les échanges de regards avec les autres en disent très longs, nous sommes heureux et fiers, tout simplement.

La délivrance est au bout de l’effort. Je termine les ISDE 2006 en 197ème position, juste devant mon nouvel ami Jean-Louis, du Cantal, du club Elite Moto (avec Patrick et Jacques). Nous sommes au bout, et allons donc recevoir la médaille de bronze FIM. L’objectif est pour ma part atteint.