Orpi Maroc 2005
Écrit par Stéphane Hamard   
04-01-2006
C'est un peu par hasard que je m'inscrit, au dernier moment (qui a dit comme d'habitude ?!), au Rallye Orpi Maroc. En effet, un couple d'amis me racontent leur projet d'aller visiter la région d'Agadir fin Mai...et fin Mai, c'est le rallye Orpi Maroc, qui part d'Agadir !! Le prétexte est tout trouvé, Carole et Jack me feront l'assistance sur 2 ou 3 jours, et c'est parti... Je contacte donc très vite tous mes partenaires, et j'arrive à faire préparer une KTM 450 en urgence, et à me faire accepter sur la liste comme dernier engagé moto !

Le rendez-vous est donc donné à Agadir, et c'est avec un grand soulagement que je retrouve Carole et Jack, déjà "installés" sur la ville fascinante. Ils me sont d'ailleurs d'un grand secours pour m'organiser sur les vérifications administratives et techniques, toujours fastidieuses lorsqu'on se retrouve tout seul.

Enfin, départ ce 24 Mai pour la première journée sur laquelle se déroulent 2 spéciales. Et dès le km 4, je fais une glissade digne du livre des records qui me vaut une grosse frayeur, et me rappelle qu'il faut toujours être très vigilant, du premier au dernier mètre de course. Je boucle cette première spéciale très sablonneuse sans chute, et plutôt content de reprendre ainsi contact avec les pistes africaines. Sur la liaison, je croise Jack à l'entrée d'un village perdu ! 12ème m'annonce-t-il, super enthousiaste. Je m'amuse, il s'est pris au jeu de la course avec un plaisir intense ! La deuxième spéciale nous plonge dans une navigation ultra délicate; c'est une succession de franchissements de cols très empierrés et piégeux, avec des vallées aux multiples changements de direction, et je me perds plusieurs fois, mais rien de grave, je passe une bonne partie de l'après-midi avec Christophe MEILLAT et Annie SEEL, à se passer et repasser à la faveur d'erreurs de navigation successives. Arrivée au bivouac et déjà des problèmes à régler : en effet, sur la dernière liaison, je suis tombé en panne d'essence, la pompe ne fonctionne pas, si bien que le fond d'essence qui se trouve dans le réservoir, en dessous du niveau du carburateur, ne peut remonter. Ca commence ! Heureusement que mes amis sont là pour m'aider.

Le 2ème jour, l'étape est déjà beaucoup plus rapide, et avec ma 450cc, je ne supporte pas la comparaison en vitesse de pointe avec les 660. De plus, j'ai toujours le souci d'économiser la mécanique, et je résiste à mettre plein gaz pendant des kilomètres dans les grandes lignes dégagées de sable porteur. Pourtant, quand je me fais doubler par quelques concurrents, la tentation est grande, mais patience, la course est encore longue, et mon expérience me vaut d'être concentré. Et ça paye, car je croise plusieurs motos "mortes" sur le bord de la piste

 

Le quatrième jour, je me suis mis une stratégie de course en tête : je rattrape MEILLAT qui part 30 secondes devant moi, et je me cale sur son rythme. Ainsi, je grapillerai encore une place au général, et ensuite, je contrôle jusqu'à l'arrivée. Je pars donc "le couteau entre les dents "; tout va bien, la moto roule impeccable, je lâche les chevaux ! Comme au briefing de la veille, ils ont annoncé une étape sans grosse difficulté de nav, j'enquille avec plus de relâchement sur le road-book. Et, presqu'à fond (161,9 km/h mesuré au gps), sur un sommet de piste empierrée avec un léger droite, je perds l'avant, et pars dans une glissade monstrueuse... Heureusement, pas de gros obstacle sur la trajectoire, je n'ai rien de cassé, mais mon bras gauche est en sang. Oscar POLLI arrive sur moi, et je lui fais signe que "tuto va bene". Mais immédiatement, je mesure l'ampleur des dégâts sur la moto : tout le tableau de bord est arraché, la fourche tordue, le guidon cintré, bref, on revoit les ambitions à la baisse ! Le temps de reprendre mes esprits, je remets la moto plus ou moins en ligne, mais je suis bloqué pour tourner à gauche; pas grave, je vais aller droit devant ! Je reprends ainsi la piste toujours pleine de cailloux, mais le fait de ne pouvoir absolument pas tourner le guidon sur la gauche m'handicape lourdement. Mon rythme a évidemment gravement baissé, et je souffre de plus en plus de mon bras; je sens le sang qui coule dans mon gant gauche. Je me traine littéralement sur la piste et je vois un hélico qui se positionne à ma hauteur pendant quelques secondes, et qui s’éloigne ensuite. J’ai compris qu’après ma violente chute, le boitier gps a envoyé une alarme, et, ayant repris la piste, ils se sont assurés que j’étais toujours « en course ». Avec ce « bridage » de la direction, je suis régulièrement déséquilibré et je subis encore quelques chutes démoralisantes. Mais je reprends encore et encore, j’avale les kilomètres sans réfléchir, comme un automate.

Arrivé à un point d'assistance, je m'arrête devant l'équipe VW, et leur demande de bien vouloir "m'arracher" le support de tableau de bord tordu qui bloque ma direction. Comme toujours, et de surcroît me voyant accidenté, la solidarité du monde du rallye est spontanée, et immédiatement 4 mécaniciens professionnels s'occupent d'extirper en 2 temps 3 mouvements cette pièce tordue. Je repars moins de 5 minutes après, et commence à compter les kilomètres restants. Mon bras s'enkylose, et je subis vraiment. Enfin je vois les drapeaux d'arrivée de spéciale au loin, et c'est un soulagement. Sur la liaison, je m'arrête à une station, et en profite pour souffler un peu; c'est alors que je suis abordé par l'équipe VIP de chez MOTUL qui a bien compris que tout n'allait pas super ! Ainsi, ils s'occupent de moi, et m'aident à "décoller" les fringues "soudées" par le sang sur le bras gauche. Mes nouveaux amis voient bien que ça ne va pas fort, et que je suis très faible, adossé à la pompe, hagard. C’est alors que Nicolas C (je ne donnerai pas son nom par correction vis-à-vis du règlement sportif ! lol) me fait une proposition que je ne peux pas refuser… Et là, je vous emmène dans « les histoires qu’on ne devrait pas raconter » mais qui font aussi le charme des rallyes, surtout sur les premières années, dans les eighties, où la « débrouille » faisait aussi partie de la course… Nicolas donc, me propose de finir la liaison à ma place. En fait, il me reste environ 220 Kms à faire sur une liaison goudron qui nous ramènera sur AGADIR. Et par hasard, et/ou par chance, à ce même moment est stationné dans la station un commissaire de la course qui fait le plein, et qui valide à demi-mot notre idée. Il paraît plus raisonnable de faire cette manip (la liaison n’est pas chronométrée, mais nous avons juste un temps imparti pour faire cette partie finale) que de risquer un évanouissement ou autre sur la route où l’on croise tout type de véhicules phénomènes dans cette région ! Vite fait bien fait, Nicolas C enfile ma veste, mon casque, lunettes et gants, et se met au guidon de ma moto, en jean et baskets ! Il me racontera le soir, mort de rire, qu’il découvrait le visage de certains pilotes qui le doublaient, surpris de voir un pilote moto en jean…. De mon côté, je reprends un peu mes esprits et profite à fond de cette liaison, bien calé à l’arrière de leur 4X4 climatisé. Je n’imagine même pas comment j’aurais pu finir cette journée sur la moto. A 1 km de l’arrivée, on refait « l’échange de pilote »  et je passe la ligne d’arrivée liaison comme si de rien n’était… Pas très moral, sportivement, mais tellement humain ! Ce soir, le bivouac est à l'hôtel, je vais pouvoir en profiter pour bien dormir. Mais avant, direction les médecins pour une consultation approfondie.

Le lendemain, c’est une courte spéciale, que j’aborde en serrant les dents tellement mon bras est douloureux…. Ma seule idée, c’est franchir cette ligne d’arrivée !

Finalement, malgré une très mauvaise journée hier, je n’ai pas plongé radicalement au classement final, et sur le recul de toute la semaine, je m’en sors plutôt bien. Et les dégâts physiques ne seront bientôt qu'un mauvais souvenir….